[Compte-rendu d’atelier] Méthodologies numériques pour mieux former
Compte-rendu de Sofia Papastamkou
L’atelier « Méthodologies numériques pour mieux former » a été organisé à la suite de la fusion de deux propositions à l’origine distinctes : Appropriation et partage des recettes méthodologiques numériques (proposé par Mehdi Bourgeois), et Humanités numériques et enseignement supérieur: comment mieux former? (proposé par Fatiha Idmhand et Sofia Papastamkou). Issues de différents contextes – un Labex en cours, une MSH et l’université – les deux propositions se sont retrouvées autour des interrogations communes sur la dimension « pédagogie » des humanités numériques. De ce fait, cet atelier commun s’inscrit dans la continuité de l’atelier de 2012 « Formations et humanités numériques en France » animé par Aurélien Berra et Florence Clavaud. Il n’est pas en outre sans revenir à des sujets abordés dans le cadre de deux autres ateliers qui datent également de 2012 : L’historien programmeur ? et L’historien proto-programmeur. L’atelier a enfin le mérite de rouvrir le débat sur la pédagogie et les humanités numériques, une dimension relativement absente des THATCamps francophones, surtout en comparaison avec les THATCamps anglophones.
L’atelier a été introduit avec la présentation de formations en humanités numériques qui se placent en dehors du cadre des cursus universitaires (pour ces derniers il existe la carte des Digital Humanities francophones, une base de données élaborée et mise en ligne par le Pireh qui recense de manière collaborative les institutions de recherche, de développement et d’enseignement des humanités numériques francophones). Les formations qui ont été présentées se trouvent recensées ici. Les critères principaux pour leur choix ont été doubles : 1) elles visent à l’acquisition de compétences techniques 2) elles s’adressent aussi aux étudiants au niveau doctorat et aux post-doctorants et/ou jeunes chercheurs, si elles ne leur sont pas exclusivement destinées. De ce premier recensement, à peine esquissé et pas exhaustif, il a transparu que:
- Ces formations sont organisées par trois pilotes notamment : la TGIR Huma-Num, les Urfist et certaines MSH. À noter également le rôle du Cléo qui, tout en organisant ses propres formations liées à l’édition scientifique électronique, est aussi impliqué dans les formations des Urfist et de la MMSH. Enfin, les Labex apparaissent aussi comme des lieux où des besoins spécifiques, liés aux projet de recherche, débouchent sur l’organisation d’ateliers de formations.
- D’abord dispersées, ces formations semblent se systématiser à partir de 2013.
- Il existe une grande diversité. Les formations de la TGIR Huma-Num se placent dans le cadre des actions nationales de formation (ANF) et leur thématique est différente chaque année (visualisation de données en 2013, web sémantique en SHS en 2014, gestion des données de la recherche en 2015). Les Urfist proposent des formations qui sont ouvertes aux doctorants. Ces formations ont été initiées en 2009 en partenariat avec le Cléo et portaient surtout sur l’utilisation de la plateforme d’OpenEdition et le blogging scientifique. Elles ont été systématisées depuis 2013 en proposant un panorama des humanités numériques. De son côté, le LabexMed (MMSH) propose Les ateliers du numérique, soit des formations mensuelles organisées en collaboration avec le Cléo et l’Urfist de Nice. La MSH Val-de-Loire (Tours) organise divers types de formations dans le cadre de son Atelier numérique. La démarche est intéressante car les formations sont proposées par les chercheurs et ensuite organisées par la MSH. Les besoins de formations n’ont donc pas été identifiées par la MSH, elles émanent du terrain. Parallèlement, il existe un séminaire qui fait partie des séminaires obligatoires de l’École Doctorale. La même MSH est en charge des formations du consortium CAHIER (plusieurs formations par an et un atelier annuel). A aussi été évoqué le séminaire du Labex EHNE Humanités numériques: méthodes, outils, épistémologie (2014-2015) dont plusieurs séances ont été consacrées à l’apprentissage d’outils numériques. On a relevé également le rôle des THATCamps, dont les ateliers constituent aussi des lieux de formation. Enfin, il existe aussi des formations organisées dans le cadre des Écoles doctorales (Certificat universitaire de l’université d’Aix-Marseille, Certificat des compétences numériques du CFDip, Sorbonne Paris Cité).
Pendant la discussion qui a suivi, a également été évoqué l’Atelier Multimedia, organisé par Serge Noiret depuis 2001 à l’Institut universitaire européen (Florence, Italie).
Cette présentation et l’échange de vues qui a suivi ont fait ressortir que, surtout depuis 2013, une demande importante émerge du terrain (des étudiants, de certains enseignants-chercheurs), mais que la machine est « lourde». La formation reste ainsi autogérée à un niveau grassroots, alors que l’appui des décideurs, à la fois politiques et académiques, est fondamental pour penser et réaliser les formations. Il faut que les dirigeants s’engagent et, pour que cela soit le cas, il faut qu’ils soient convaincus comme aux États-Unis avec la AHA. Sinon, les formations risquent de rester aléatoires et autogérées.
Ensuite, la question s’est posée : comment former et transmettre? Selon Mehdi Bourgeois (Labex Arts-H2H), il faut construire une chaîne méthodologique de « survie». L’une des pistes pourrait être de scénariser cette chaîne méthodologique pour la documenter ; préparer une « recette» comportant des étapes transférables. Dans le cadre de l’atelier « Communauté arts et humanités numériques + design » du 9 juin 2015, trois étapes ont été dessinées pour définir un projet en humanités numériques : identification, exploitation et diffusion des sources. Cette chronologie pourrait fournir un cadre à un dispositif de formation. Il faut faire face à la fois aux questions théoriques et aux questions qui portent sur les outils, comment alors définir des lignes directrices, des instructions ? Est évoquée l’idée d’une plateforme comme support pédagogique sur les questions qui émergent dans le cadre des activités de recherche d’un Labex et qui concernent les chercheurs impliqués.
Toujours à propos de la même question, comment former et transmettre, l’expérience des formations du CFDip a montré que les entrées par l’ignorance et par les outils ne fonctionnent pas. Il vaut mieux commencer par expliquer les usages en passant par les activités propres à la thèse, c’est-à-dire commencer au niveau de la pratique en montrant pas à pas ce qu’il est possible de faire. Une question de fond est posée: les problématiques sont-elles communes ou propres aux disciplines ?
La réflexion a par la suite porté sur le niveau à partir duquel il convient de proposer des formations en humanités numériques. L’idéal serait de commencer les formations en Licence (comme, par exemple, le module de formation en culture numérique de l’université Lille 3 proposé aux niveaux L1, L2 et L3, ou encore celui de Paris 1) pour ensuite continuer en Master et approfondir l’apprentissage des outils. L’idéal serait que les étudiants soient formés avant d’entamer leurs thèses pour maîtriser déjà une méthodologie. Le constat est fait que si le séminaire ne rentre pas dans le nombres d’heures labellisées des étudiants, ceux-ci ne suivent pas les formations. L’intégration au cursus semble donc nécessaire, mais il faut éviter la concurrence avec les autres séminaires et cours. Encore une fois, il devient évident que la décision doit venir des décideurs, qu’il faut des décisions politiques fortes de l’université, des sociétés savantes, etc. Comment convaincre les décideurs ?
Les formations adressées aux doctorants arrivent un peu tard, car ceux-ci sont déjà accablés par le travail de thèse. Cependant, des formations sur le numérique à ce niveau peuvent avoir le mérite d’au moins sensibiliser des futurs enseignants-chercheurs aux enjeux liés au numérique, d’autant plus que les projets type ANR et ERC formulent des exigences précises au niveau de la gestion des données de la recherche (data management plan) et de l’open access au niveau des publications scientifiques. Une autre piste est de démarrer avec des logiciels faciles à manipuler qui n’exigent pas trop de temps de formation.
Une autre question qui se pose est le type précis des formations qu’on propose aux étudiants. L’INHA propose des « ateliers du numérique», mais les projets présentés sont souvent des projets finis et les étudiants ne voient pas le lien avec leurs propres projets. Il faut former pas à pas, démarrer avec un enseignement technique, aller ensuite vers la transmission d’un savoir-faire, de modes de collaborations, de façons de dialoguer avec d’autres métiers.
Enfin, la gestion de l’information sur les formations paraît être une priorité. C’est pourquoi il serait souhaitable de continuer le travail entamé dans le cadre de cet atelier afin de systématiser la collecte et la diffusion des informations qui relèvent de ce domaine.
Liste des participants (non-exhaustive) : Nathalie Casanova, Odile Contat, Frédéric Clavert, Fatiha Idmhand, Sébastien Poublanc, Catherine Muller, Jérôme Pique (collectif Kom.post), Sofia Papastamkou, Flore César, Mehdi Bourgeois, Clarisse Bardiot, Serge Noiret, Évelyne Jardin.
categorie: Senza categoria tag: CR d'atelier